Claire est une adorable fillette. Elle est jolie, gracile, de longs cheveux bruns et un sourire enchanteur qui l'érige en icône absolue de l'Innocence enfantine.
C'est aussi une bonne élève, qui arrête de bavarder si lui fait la remarque, s'applique quand elle doit faire un exercice, la petite que l'on félicite, que l'on encourage, que l'on regarde grandir avec une certaine foi en l'avenir..
Contrairement à d'autres qui, déjà, se muent en adolescentes renfrognées, Claire demeure une petite fille. Elle a une voix douce, un regard timide, elle semble si fragile.
En même temps, de cette toute petite chose se dégage une vraie personnalité. Elle semble à l'aise, a des amies, n'hésite pas à prendre la parole, pourvu qu'elle ait quelque chose à dire.
Elle est toujours là, Claire. Je n'ai pas le souvenir qu'elle ait manqué un seul jour. Lorsque les élèves entrent, elle se dirige immanquablement vers sa table, reste debout jusqu'à ce que je donne l'ordre de s'asseoir, puis elle sort ses affaires et attend, disciplinée, le silence des moins sage. Claire est tellement là que je ne la remarque plus.
Aujourd'hui, pourtant, Claire était absente. Elle n'était pas là et je ne l'ai pas remarqué tout de suite. Il a fallu que deux de ses amies viennent me trouver, un peu gauches, un peu émues, pour me dire que Claire ne viendrait pas. « Un problème familial » m'a-t-on dit.
« Ce n'est pas trop grave j'espère ? » ai-je demandé distraitement, imaginant quelque événement sans conséquence.
Claire était absente et c'était la première fois.
Elle reviendra demain ou dans quelques jours, elle reprendra sa place habituelle, le monde aura l'air d'avoir si peu tourné, et pourtant. Je ne pourrai plus la regarder sans voir la béance qu'elle porte désormais en elle.
Claire ne sera plus jamais la même.
Sa mère est morte ce week-end.