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Certaines photos ont été glanées sur le Net. Elles ne sont utilisées que dans un but illustratif. Si toutefois leurs auteurs y voyaient une quelconque objection, merci de me contacter.

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« L’Enfer, c’est les Autres »

            Jean-Paul Sartre

Pour comprendre le but de ce blog, il vaut mieux commencer par lire ça.

24 novembre 2006 5 24 /11 /novembre /2006 12:34
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La cour de récréation du lycée, c’était le catalogue meetic des ados en mal d’amour. Chacun observait ceux et celles qui s’offraient à la vue de tous, y allait de son commentaire, tantôt flatteur tantôt assassin, puis passait au candidat suivant. Les filles et les garçons procédaient souvent différemment. Cependant, la diversité des pratiques et du mode de sélection ne changeait rien au principe de base : la cour était un terrain de chasse.
Assise sur mon banc, walkman vissé sur les oreilles, cigarette à la main, j’attendais que le temps passe, les yeux perdus dans le vague et la mélancolie plein le cœur. Et puis je remarquai un garçon. Brun, de grands yeux en amande, un visage divin… Je tombai sous le charme. Aussitôt, je décrétai que c’était une beauté fatale et qu’il me le fallait sans attendre.
Les jours qui suivirent, je n’eus d’yeux que pour ce garçon. J’en vins à savoir qu’il se prénommait William, dans quelle classe il était. Je me pâmais dès que nos regards se rencontraient.
Lorsque, avec des amis, il jouait au foot dans un coin de la cour, je ne me lassais pas de l’admirer : ses muscles, son corps, ses yeux si beaux et ses cheveux d’un brun ténébreux. L’année scolaire qui s’achevait et qui m’apparaissait quelques semaines auparavant s’étirer à n’en plus finir filait désormais à toute vitesse. Jour        après jour, je le cherchais du regard à chaque pause, sentais mon cœur battre la chamade lorsque je l’apercevais. Et puis je lui parlai. Il était gentil, il plaisantait, je nourrissais l’espoir, presque la certitude que mon attirance était réciproque. C’était une évidence.
A midi, après le repas, je me rendais dans une petite salle appelée foyer des élèves. J’étais certaine de l’y trouver. Nous passions un bon moment, à échanger, et c’est le cœur mortifié que je retournais en cours lorsque la sonnerie retentissait.
 
Un jour, je n’étais pas disponible pour discuter avec William. Une de mes camarades de classe n’avait pas révisé son contrôle d’histoire et j’essayais de lui faire un cours de rattrapage express, en lui racontant le plus rapidement possible et avec des termes fort peu académiques le déroulement d’une période historique. Elle riait de ne retenir aucune des dates que je lui faisais répéter. Mais, bonne élève, docile, elle s’exécutait.
Elle, c’était Laure. Blonde. Un peu rondouillarde. Des yeux clairs, un visage porcin mais pas désagréable à regarder tant que la jeunesse serait là. Elle vivait seule avec sa mère, avait peu de moyens financiers, un fiancé avec lequel elle avait l’intention d’emménager prochainement. « Après le bac » disait-elle. Le bac qu’elle ne révisait pas.
Assise sur l’un des fauteuils du foyer des élèves, les jambes croisées, fumant une énième cigarette, je poursuivais mon récit historique avec le sérieux des profs investis d’une mission. Laure allait réussir ce contrôle, il le fallait. Soudain, l’entrée de William me perturba dans ma tâche. Il me vit, me sourit et, me voyant occupée, demeura à l’écart. Il s’assit plus loin avec ses propres amis, prit une canette au distributeur placé à la disposition des adolescents et ne vint pas vers moi.
Il restait à peine quelques minutes avant de monter en classe affronter le sujet d’histoire. Laure riait de plus belle, incapable de se concentrer. Pendant qu’elle essayait de se remémorer mes explications, je regardai William, son profil, William qui rit, William qui discute. William qui regarde vers moi. Aussitôt, je détournai les yeux. Sûre d’être admirée, je me rengorgai intérieurement tout en feignant l’indifférence absolue. A chaque fois que je vérifiais, William me lorgnait. Sûre de mon irrésistible pouvoir de séduction, je m’apprêtais à lui faire le plus accrocheur des sourires. Laure partit avant moi, ce qui me laissait un peu de temps pour parachever mon entreprise de séduction. Je me levai et échangeai quelques mots avec William en passant près de lui. Des mots frustrants de banalité.
Alors que j’allais m’éloigner, il me rappela.
-         Oui ? fis-je pleine d’un espoir dissimulé.
-         Je peux te poser une question ?
-         Bien sûr, minaudai-je, certaine que le moment tant attendu était enfin arrivé.
 Je me préparai de ce fait à prendre l’air surpris, flatté, un air envoûtant et accepter sa probable invitation alors que, suspendu à mes lèvres, il n’oserait espérer une réponse positive. J’attendis. Au lieu de cela, il me demanda :
-         Elle s'appelle comment ta copine ?
 
 
Quelques jours plus tard, je vis Laure et William bras dessous, bras dessus. Ils quittaient le lycée vers une destination inconnue. Aussitôt je nourris une haine farouche pour cette rivale qui s’ignorait et lui souhaitai tout le mal du monde.
Le mois de mai touchait à sa fin.
Je ne sais plus si Laure a réussi son contrôle, ni si elle a eu son bac, ou si elle habite encore avec sa mère. Je me souviens simplement que, quelques jours plus tard, j’appris qu’elle était à l’hôpital, sérieusement amochée. Le fiancé avec lequel elle devait se mettre en ménage, furieux d’avoir été trahi, l’avait tabassée sur le parking glauque d’un Franprix de quartier.
Et je me souviens aussi, même si j’ai quelque peine à le dire, que je trouvai assez d’hostilité en moi pour m’en réjouir. 


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commentaires

J
<br /> hanhanhan<br /> je me rapelle être tombé amoureuse d'un beau gars au lycée.<br /> J'en étais raide dingue et a préféré une de mes copines, moche et pas futfut.<br /> ca m'a tué.<br /> Je l'ai croisé il y a un an environ, je l'ai vu avec des marmots , je me suis cachée<br /> et si c'etait les siens à lui.. insupportable !<br /> <br /> <br />
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A
Beau récit qui éveille en moi d'étranges souvenirs que je pensais assoupis au fond d'une boite depuis longtemps refermée...
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R
Quelle fatalité, c'est extraordinaire...Ah les amours de jeunesse...
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L
Bien sur que j'ai vu ;)  je suis  un fidèle lecteur qui préfère rester anonyme :))  Par contre j'avais pas vu la toute derniere ligne, shame on me
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J
Le CPE --> Oui, absolument, c'est précisé à la fin du texte ...   C'est pour éviter aux nouveaux de fouiller pour trouver les ancioens textes (que l'aime bien). Après la fin des votes pour le festival de Romans, je pense que tout retrouvera sa place.Il y a aussi des textes nouveaux, tu as vu ?
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