17 février 2007
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Il est prof. Il enseigne dans des conditions difficiles. J’imagine que, chaque matin, comme moi, il arrive devant son collège avec, selon les jours, selon son humeur ou selon la couleur du ciel, de l’énergie à revendre, des doutes plein la tête ou une lassitude infinie. Peut-être un mélange de tout cela. Ou tout simplement la volonté de bien faire son travail.
J’imagine comme les heures de cours passées à se battre contre des élèves agités, bruyants, des élèves peu motivés peuvent lui sembler longues, comme il en ressort vidé et en colère. Malade même, parfois.
De son quotidien, hormis certains des faits qu’il raconte, je ne sais finalement pas grand-chose. Je ne connais rien de lui : ni la ville où il travaille, ni à quoi il ressemble, ni comment se nomme le principal de son collège. Je ne sais que l’essentiel : le bateau ne prend plus seulement l’eau de toutes parts, il sombre.
C’est un prof de maths comme il y en a sans doute des milliers. Il a entrepris, un jour, je ne sais pas quand, de consigner ses déboires sur un blog. Il s’exprime sur les supports que notre époque lui offre. Comme moi. Comme vous, peut-être.
Il raconte, mais ne dévoile rien. Son anonymat était total. Et pourtant, aujourd’hui, en allant le lire, je suis tombée sur un mur d’injustice : son blog est fermé. La hiérarchie s’est reconnue. La hiérarchie s’est sentie attaquée.
Attaquée car elle est en faillite : elle ne peut empêcher que des enfants soient en échec, ne peut empêcher que des élèves coupent les cheveux d’une enseignante pendant un cours d’anglais, n’est pas capable de sanctionner des gamins à qui l’école elle-même ne sait pas mettre de limites. Et plutôt que de se retourner sur elle-même, de s’analyser, de tendre la main vers les subalternes qui font de leur mieux, la hiérarchie fait taire. Elle menace, elle sanctionne les soldats au front plus sévèrement que les déserteurs, elle essaie d’anéantir ceux qui dénoncent les difficultés pour mieux les combattre. Une fois les problèmes niés, qui ira leur chercher une solution, puisque tout va bien ?
La hiérarchie s’est sentie attaquée, et elle attaque en retour.
C’est l’histoire d’un homme qui exerce un métier difficile, mais on n’a pas le droit de la raconter.
Le blog La vie palpitante d'un prof en ZEP, www.blogprof.fr est désormais fermé. Son auteur fait l'objet d'une procédure disciplinaire car il n'aurait pas respecté son "devoir de réserve". Or, il a toujours veillé à préserver totalement son anonymat, et par là-même, celui de ses élèves, collègues et supérieurs.
Peut-on être prof et parler ouvertement de son quotidien, aujourd'hui en France ?
A tous ceux qui souhaitent signer la pétition le soutenant, c'est ICI.