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Certaines photos ont été glanées sur le Net. Elles ne sont utilisées que dans un but illustratif. Si toutefois leurs auteurs y voyaient une quelconque objection, merci de me contacter.

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« L’Enfer, c’est les Autres »

            Jean-Paul Sartre

Pour comprendre le but de ce blog, il vaut mieux commencer par lire ça.

7 janvier 2018 7 07 /01 /janvier /2018 00:04

http://4.bp.blogspot.com/_dCVwtSQMPpA/S_GbDSOXQJI/AAAAAAAADmE/6wov9aH1tFw/s400/exupg.jpg

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26 juin 2014 4 26 /06 /juin /2014 01:48

tete-chauve.jpgIl y a des êtres comme ça, toujours aimables, gentils, avenants. Elle est de ceux-là.

C’est une grande femme parée de yeux immenses et d’une longue chevelure. Son dynamisme et son professionnalisme attirent tous ceux qui, affublés d’une bête à poils, souhaitent rafraîchir le look de leur compagnon à quatre pattes.

Sa boutique est exiguë mais conviviale. La porte est souvent ouverte, particulièrement en ce début d’été où les températures, agréables en matinée, grimpent sensiblement au cours de la journée. Une petite barrière en bois, garnie d’un fin grillage un peu cabossé, empêche les animaux désireux d’échapper au supplice de la douche de décamper. Les visiteurs sont toujours accueillis par des jappements impatients et des queues frétillantes. Chaque chien, le poil lustré et parfumé, attend son maître comme un sauveur, et malgré la déception de ne pas reconnaître la silhouette familière, la lueur d’espoir dans l’œil canin ne faiblit pas. Tout autre être humain que cette tortionnaire aux cheveux longs fera l’affaire, pourvu qu’on les tire de là.

Leur peur ne s’explique pas. Elle les cajole, la grande. Elle susurre des mots rassurants aux oreilles poilues tout en grattant la tête des canidés haletants. Toutefois, les asperger, les attacher puis les tondre des heures durant ne la rend que peu populaire aux yeux de son public.

Mme C., propriétaire d’une jolie chienne blanche au poil frisé aime bien Muriel la toiletteuse. Cela fait des années qu’elle lui est fidèle et que, quatre fois par an, elle lui confie sa précieuse compagne pour que celle-ci se fasse rafraîchir la fourrure. Il n’y a que Muriel  pour rendre la petite chienne si jolie, couper juste où il faut, ratiboiser le poil là où il est superflu tout en laissant la longueur suffisante pour souligner l’élégance de la bête. Pour pas cher en plus. Avec un sourire en bonus, une petite conversation non facturée, un échange aimable en ce monde de bêtes. Mme C. est ravie et recommande chaudement la grande femme aux doigts de fée.

Ce jour-là, cela fait presque deux mois que Mme C. a pris rendez-vous. Elle a du trop recommander le salon de toilettage : le voilà pris d’assaut par toutes les coquettes à chiens du quartier. Tant pis, elle attend. On ne change pas ses habitudes, Muriel est si efficace et si sympathique. Une semaine avant le rendez-vous, alors qu’elle voit se profiler la fin de la longue attente, le téléphone sonne. Muriel, du salon Ratiboise, lui demande si la petite chienne peut venir se faire coiffer deux jours plus tôt. Mme C. est bien embêtée. Deux jours plus tôt, ça ne l’arrange pas. Mais enfin, Muriel n’a jamais décalé ni annulé un rendez-vous, le moment est venu de se montrer conciliant et la nouvelle date est arrêtée. Mme C. change ses obligations, se rend disponible, et note soigneusement le jour et l’heure sur son agenda.

Le jour venu, rien ne se passe comme prévu. Monsieur C., qui doit conduire tout ce petit monde jusqu’à la boutique,  est retenu par des obligations professionnelles. Il se fait réprimander par madame excédée et promet de se hâter. A peine Monsieur C. a-t-il raccroché que le téléphone sonne à nouveau. C’est Muriel qui demande s’il est possible d’avancer le rendez-vous d’une demi-heure. Mme C., toute bienveillante qu’elle soit à l’égard de la gentille toiletteuse, se pique aussitôt, hérissée après l’altercation avec sa moitié. Non, c’est impossible.

Bien. Tant pis. L’heure est maintenue. 16h30 précises. Parfait.

 

Monsieur C. se fait attendre. Il arrive finalement, haletant, stressé, pour repartir aussitôt avec femme et chien, au doux rythme des récriminations de sa moitié. Malgré tous leurs efforts, et puisque rien ne sert de courir quand on est parti trop tard, ils arrivent devant le salon de toilettage avec exactement dix minutes de retard.

 

Devant la porte, et juste derrière la barrière, ils voient la longue silhouette de Muriel. Imposante, elle se dresse sur le pas de porte, les mains sur les hanches, parfaitement immobile sous le soleil de plomb. Dans la boutique règne un silence inhabituel. Point d’aboiements ou de glapissements. Monsieur et madame s’avancent, traînant une chienne apeurée qui se tortille au bout de la laisse pour déguerpir. Muriel ne cille pas, elle les laisse arriver jusqu’à elle. Sans un sourire, elle leur dit : « Vous êtes trop en retard ».

Mme C. s’excuse, s’attendant à voir Muriel s’écarter pour leur faciliter le passage. Celle-ci n’en fait rien. Elle reste là, immense, sévère, hostile, et répète d’une voix monocorde : « Vous êtes trop en retard. Je ne peux pas vous prendre. J’ai des obligations. ».

Mme C.,  qui bien qu’elle essaie d’être aimable ne manque jamais une occasion de régler ses comptes, s’emporte. Dix minutes de retard. Dix minutes ! Ca arrive, non ? Oui c’est du retard, mais trop …  ?  Trop pour être refusée comme une malpropre, après avoir attendu deux mois, après avoir accepté gentiment de décaler un rendez-vous alors même que cela compliquait sa petite vie, après …

 

Muriel bondit d’un coup. Son visage se retrouve à quelques centimètres seulement de celui de Mme C. qui se fige. Les yeux écarquillés, une lueur furieuse au fond des pupilles, elle la dévisage avec dureté. Les deux femmes se font face, et  le silence qui s’établit semble tout écraser. Puis Muriel attrape brusquement ses longs cheveux bruns, tire dessus d’un coup sec et arrache brutalement l’ensemble. Elle demeure silencieuse, les yeux durs, le crâne parfaitement lisse, la longue chevelure serrée entre ses doigts crispés. Mme C. observe ce visage inattendu, colérique, haineux et chauve comme si la douce toiletteuse s’était subitement métamorphosée en un catcheur enragé. 

 

« Voilà ! Voilà POURQUOI !!! » hurle Muriel aux deux clients médusés.

 

Puis, sans rien ajouter, elle leur tourne le dos, réajuste sa perruque sans plus leur accorder d’attention avant d’entrer dans sa boutique et d’en claquer la porte.

 

Monsieur et madame C., désormais plus attristés que choqués, ont tourné les talons, devancés par la petite chienne qui, ravie de s’en tirer à si bon compte, aurait, si elle l’avait compris, béni une si sombre maladie.

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27 février 2010 6 27 /02 /février /2010 17:30


http://c590901.r1.cf2.rackcdn.com/images_thumb_cache/The_Beatles_Abbey_Road_Boxed_Mug_500_370_397_76.jpgIl y a deux ans, j’ai obtenu ma mutation, laissant derrière moi l’ambiance fielleuse de l’établissement où j’ai fait mes premières armes. J’ai avancé pour aller au contact d’autres élèves, d’autres vies, d’autres joies et d’autres difficultés. D’autres collègues.

La rencontre avec autrui : fascinante aventure humaine.

 

Ces Autrui-là, tout en ayant les particularités qui les rendent uniques, ressemblent pourtant à s’y méprendre aux précédents. Comme si la spécificité de chacun ne servait qu’à les rendre identiques à d’autres individus, innombrables, que caractérisait cette même spécificité. Ce qui semble nous distinguer des autres nous ramène finalement à la grande famille des êtres humains, tous uniques, tous semblables.

 

Dans cette salle des profs-ci, on s’y repose, on y déjeune, on se dispute et on se marre. Parfois on travaille. Moi, entre toutes ces activités, je bois du café.

Pour ce faire, j’ai apporté mon mug fétiche, celui qui me renvoie à la personne qui me l’a offert, celui qui chuchote à mon oreille de doux souvenirs que les autres n’entendent pas. Celui qui est à moi.

Après avoir bu mon café entre deux sonneries trop rapprochées, je le rince et le pose sur l’évier toujours sale, toujours encombré, de l’antre professoral.

 

Un jour, cependant, ma tasse a disparu. Comme ça, sans crier gare.

Volatilisé, le contenant de l’élixir magique qui diluait angoisses et fatigue et me permettait de repartir, résignée mais guillerette, vers la salle de classe où travail et efforts se conjuguent dans un déploiement d’énergie un peu vain. Evaporé. Evanoui.

A grands cris, je demandai des comptes à l’assemblée, laquelle me répondait tantôt par un mutisme interrogateur, tantôt par une indifférence agacée, ou bien avec un sourire moqueur. Quoi, une tasse ? Toute cette indignation récriée, toutes ces vociférations haineuses pour une simple tasse ? Elle était belle cette tasse ? Elle était chère, au moins ?

Non, même pas. Mais c’était la mienne.

 

Pendant des semaines, je ne décolérai pas, cristallisant dans la disparition de cette tasse toute ma détestation des travers d’autrui.

Une collègue vint me trouver un jour, tout sourire, une tasse verte à la main, me priant d’accepter son présent, histoire de me réconcilier avec le monde enseignant, lequel n’était pas constitué que d’infâmes voleurs. Je lui souris, la remerciai chaudement sans oser lui révéler que j’avais le vert en horreur, tout en étouffant la voix mauvaise qui me soufflait qu’elle pourrait bien être l’auteur repentant du larcin et que, par son offrande inattendue, elle essayait tant bien que mal de racheter sa faute.

 

Et puis, un soir, par mail, une autre collègue m’écrivit et passa aux aveux. Oui, c’était elle la voleuse. Elle me priait d’accepter ses plus plates excuses. Point. Sans aucune autre forme d’explication.

 

Le lendemain, ma tasse avait retrouvé sa place sur l’évier crasseux.

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25 octobre 2009 7 25 /10 /octobre /2009 13:58
 

http://ruminances.unblog.fr/files/2010/05/cochon.jpgJe voudrais vous raconter comme mon nouveau collège est plein d’autrui(es) fascinants. Comme les événements qui s’y produisent sont surréalistes, parfois.

Je voudrais vous raconter le big boss, vous raconter son adjoint, vous parler des élèves. De quelques collègues. Des êtres captivants, tous autant qu’ils sont. Une magnifique réserve pour ce blog en hibernation.

Oui mais.

J’ voudrais bien.

Mais j’peux point.

 

Parce que je serais identifiée rapidement. Conspuée. Censurée. Blâmée. Livrée à la vindicte populaire d’une salle des profs outrée par la verve fielleuse de leur hypocrite collègue, sourire devant, clavier incisif derrière.

 

Je dois attendre que les Autres appartiennent (un peu) au passé pour vous les livrer en pâture. Patience. Mon stock se renouvelle à une vitesse qui m’effare moi-même.

 

En attendant, il y aura quelques petites histoires deci delà. Il n’est pas toujours nécessaire de regarder dans la porcherie pour voir des cochons.

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4 mars 2009 3 04 /03 /mars /2009 00:12

Louis était un enfant grassouillet, sale et antipathique.

Noyés dans une fratrie de huit enfants, solidaires dans l’infortune, ses frères et lui s’élevaient les uns les autres. Leur mère n’avait de maternelle que la fonction reproductrice : elle enchaînait les grossesses, les accouchements puis, quand le plus jeune faisait mine d’aspirer à l’autonomie en apprenant à marcher, elle se détournait de lui pour tomber enceinte de nouveau. Le rejeton était volontiers récupéré par la horde d’enfants débraillés et poussait comme il pouvait en regardant le nouveau bébé devenir l’objet exclusif de l’attention qu’il monopolisait naguère.

L’école servait essentiellement à le sortir de l’appartement familial où il était livré à lui-même. Il n’y a acquis que peu de connaissances et faisait preuve d’une fermeté résolue à ne rien apprendre de nouveau. Aussi son passe-temps favori était-il de saboter les cours auxquels il assistait. Il faisait preuve, dans cette entreprise, d’une imagination et d’une ingéniosité telles qu’elles lui auraient permis de faire des merveilles s’il avait voulu les utiliser à des fins plus louables.

Louis avait, bien entendu, commencé par les scènes classiques, jouées et rejouées par des générations de garnements enthousiastes : il se moquait des patronymes de ses camarades agacés, poussait des cris étranges évoquant tantôt le grognement du cochon, tantôt le canard cancanant. Fréquemment, donc, j’étais en classe, les élèves levaient la main avec enthousiasme tandis que Louis, en retrait, rythmait la leçon tel un étrange métronome de ses « Groink ! Groink ! ».

 

-         D’après la carte, poursuivais-je, stoïque, quelles sont les régions les plus pauvres ?

 

Groink !

 

Aline, hésitante, peinait à se lancer dans la concurrence des bruits de la ferme.

-         Oui, Aline, c’est à toi, essayais-je de l’encourager.

 

Groink !

 

-         Euh … geignait Aline, définitivement déstabilisée.

-         Bon. Quelqu’un d’autre ?

 

Groink !

 

Héroïque, Steeve nous donna la bonne réponse.

-         Oui, c’est ça. Prenez maintenant le livre page …

 

« Hi-han ! » a brait Louis.

 

Surprise par la cassure de la routine acoustique, je relevai la tête. Louis, triomphant, souriait de toutes ses dents.

Excédée, je finis par prendre son carnet de correspondance. Louis s’en empara à la fin de l’heure, déchiffra tout en s’éloignant l’observation jetée là avant de revenir contester.

-         Non mais m’dame, j’ai pas fait hi-han ! Pourquoi vous marquez que j’ai fait hi-han ?

-         Bien sûr que tu as fait « hi-han ».

Louis me fixait. Il m’avait attirée dans son arène.

-         J’ai pas fait hi-han, affirme-t-il. J’ai fait han-han.

Voilà qui change tout.

 

 

Souvent, Louis venait au collège sans matériel. Il approchait jusqu’à mon  bureau juste pour brandir son sac à dos et prouver ainsi qu’il était bien vide. Le méfait vérifié, je lui ordonnais bien vite de regagner sa place : Louis traversait alors la salle d’un pas lent et chaloupé, faisant osciller ses imposantes fesses de gauche à droite tout en chantant : « J’ai pas mon livre aujourd’hui ! Oooooh non, non, j’ai pas mon livre aujourd’hui, ooooooohhhhoooooo ».

Yeah.

 

Parfois, je l’excluais. Il trouvait ça très bien, et recommençait son cirque le cours suivant avec une énergie redoublée, dans l’espoir de bénéficier du même traitement.

Le faire travailler était impossible, l’écarter du groupe restait une solution de facilité non viable à terme. Il me fallait l’ignorer.

Je l’avais tenté de nombreuses fois, mais Louis avait l’imagination aussi malicieuse que fertile, et entre nous avait tôt fait de s’installer le jeu de celui qui cèderait le premier.

 

Groink ! Hi-han ! Il fallut apprendre à composer avec ces bruits comme on supporte un marteau-piqueur gênant, en période  de travaux. La nuisance contre laquelle on ne peut rien. Groink. Evidemment, la maîtrise de soi est nécessaire. Hi-Han. Ne pas montrer qu’on est exaspéré. Ne pas craquer. Groink. Ne pas le tuer. Enfin, la sonnerie. Cocorico.

 

Au fil des semaines, Louis s’éteignait. Je crus qu’il s’était finalement résigné à être aussi transparent et frustré qu’un spectre invisible. Je faisais travailler ses camarades. Ceux-ci parvenaient même, suivant mon exemple, à oublier l’agitateur du fond de la classe.

Louis était malheureux. Pas parce qu’il n’apprenait rien à l’école, pas parce que l’on renonçait à lui prendre la main pour le faire avancer, non. Louis souffrait d’avoir perdu son public, d’avoir perdu l’exaspération,  la colère d’autrui, celle qui lui montrait qu’il était là, qu’il existait, celle qui l’empêchait d’affronter ses immenses lacunes et, sans doute, sa solitude.

D’une certaine manière, nous avions fermé la porte, ne laissant Louis regarder par la fenêtre que parce que nous n’avions pas de volets.

Avachi, somnolent, Louis semblait apprivoisé.

 

C’est confiante que je guidais désormais mes ouailles. Hop un exercice, on corrige en vert, voilà une définition, on reprend un stylo noir. Et soudain, ma voix s’étrangla. Au fond de la classe, Louis était agenouillé sur la table, la tête pendant dans le vide près du dos de l’élève installé devant lui, dans une position à mi-chemin entre la prosternation et l’agonie. Il avait levé ses fesses le plus haut possible, de telle sorte que son fessier massif surplombait la classe.

Rien à faire. Imperturbable, je refusais obstinément de déclarer forfait devant les fesses exposées d’un gamin de onze ans. Les élèves jetaient des œillades un peu inquiètes en direction de Louis tout en se demandant quel genre de prof pouvait laisser faire pareille énormité.

Je poursuivais. Louis ne bougeait pas.

 

-         Bien, vous allez maintenant sortir vos crayons de couleur ….

 

-         Madââââme ! hurla Louis.

 

-         Il faut combien de couleurs différentes ? demanda Gilbert.

 

-         Au moins trois : un rouge, un bleu et un vert.

 

« Madâââââââme ! »

 

-         Il faut coller la carte ?

-         Oui, sur la page de droite.

 

« Madâââââââââme ! »

 

 

Les cris déchirants ne tarderaient pas à attirer l’attention de mes collègues. Il fallait le faire cesser.

« Madâââââââââme ! »

 

Ne pas parler sans avoir préparé l’altercation. Savoir quoi dire. Gérer le conflit. Sauver la face.

 

« Madââââââââââme ! »

 

J’allais devoir l’exclure. Que faire d’autre ? 

 

Et, au moment où j’allais admettre ma défaite, Louis, sentant la déroute de l’adversaire, m’acheva :

 

-         Madââââââââme, j’ai mal au UC* !   

 

 

Il releva enfin la tête et planta ses yeux dans les miens. Puis, savourant le silence consécutif au sabotage du cours, pour la première fois depuis des mois, il sourit.

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

La définition du jour

* « UC » : terme de verlan (à l’envers) signifiant « cul ». Désigne le postérieur d’un être humain.

 

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26 janvier 2009 1 26 /01 /janvier /2009 21:49

http://cdsp02.org/images/chaise_vide.jpg

Claire est une adorable fillette. Elle est jolie, gracile, de longs cheveux bruns et un sourire enchanteur qui l'érige en icône absolue de l'Innocence enfantine.

C'est aussi une bonne élève, qui arrête de bavarder si lui fait la remarque, s'applique quand elle doit faire un exercice, la petite que l'on félicite, que l'on encourage, que l'on regarde grandir avec une certaine foi en l'avenir..

Contrairement à d'autres qui, déjà, se muent en adolescentes renfrognées, Claire demeure une petite fille. Elle a une voix douce, un regard timide, elle semble si fragile.

En même temps, de cette toute petite chose se dégage une vraie personnalité. Elle semble à l'aise, a des amies, n'hésite pas à prendre la parole, pourvu qu'elle ait quelque chose à dire.

 

Elle est toujours là, Claire. Je n'ai pas le souvenir qu'elle ait manqué un seul jour. Lorsque les élèves entrent, elle se dirige immanquablement vers sa table, reste debout jusqu'à ce que je donne l'ordre de s'asseoir, puis elle sort ses affaires et attend, disciplinée, le silence des moins sage. Claire est tellement là que je ne la remarque plus.

 

 

Aujourd'hui, pourtant, Claire était absente. Elle n'était pas là et je ne l'ai pas remarqué tout de suite. Il a fallu que deux de ses amies viennent me trouver, un peu gauches, un peu émues, pour me dire que Claire ne viendrait pas. « Un problème familial » m'a-t-on dit.

« Ce n'est pas trop grave j'espère ? » ai-je demandé distraitement, imaginant quelque événement sans conséquence.

 

Claire était absente et c'était la première fois.

Elle reviendra demain ou dans quelques jours, elle reprendra sa place habituelle, le monde aura l'air d'avoir si peu tourné, et pourtant. Je ne pourrai plus la regarder sans voir la béance qu'elle porte désormais en elle.

 

 



Claire ne sera plus jamais la même.

Sa mère est morte ce week-end.

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15 octobre 2008 3 15 /10 /octobre /2008 14:27

Les yeux baissés, Karine écoute mon cours d'une oreille un peu distraite. Elle bavarde de temps en temps avec sa voisine, tressaille lorsque je la reprends avant de se perdre à nouveau dans de mystérieuses pensées.

Aujourd'hui, nous parlons de la population mondiale, de l'évolution démographique qui n'est sensiblement pas la même selon la région du monde où l'on se trouve. Nous analysons cartes et graphiques, nous commentons, les élèves participent. Karine ne dit rien.

Les enfants constatent qu'en Afrique, le nombre d'enfants par femme est plus élevé qu'en Europe. Enthousiastes, ils cherchent les causes, élaborent des hypothèses parfois farfelues, creusent leurs jeunes méninges pour apporter à l'auditoire  la clé de l'énigme. Et enfin, victoire ! Ils trouvent.
- Ben les femmes en Afrique elles mettent pas de capote!

Rires gras, gloussements gênés, protestations effarouchées chassent le studieux silence.

Nous reformulons soigneusement, écrivons la définition de « moyens de contraception » sur le cahier, quand Karine, sortie de sa réserve, s'exclame bruyamment : « Mais n'importe quoi ! Ca marche pas ! »

- Comment cela, «ça ne marche pas»? Quoi donc?
- Ben la pilule, quoi, les préservatifs, tout ça, ça ne marche pas!

Doctement, je lui sers les statistiques qui avoisinent les 100 %, fusille du regard l'affreux du fond qui fait tournoyer son équerre autour d'une règle et m'apprête à poursuivre lorsque Karine, accrochée à son idée, insiste :
- Mais Madame, moi par exemple, vous voyez, je suis une erreur.

 Je la dévisage, cette petite fille aux grands yeux tristes. Elle dit cela avec beaucoup de conviction, comme si elle énonçait une évidence : un erreur, elle est une erreur, son existence est une erreur.
Karine a onze ans. 

Si elle le décèle dans mon regard à la fois estomaqué et attendri, elle ne comprend sans doute pas le sentiment qui m'envahit alors. Gênée par ces paires d'yeux qui se sont arrêtés sur la petite tandis qu'elle expose inconsidérément son intime fêlure, je demande d'un ton sévère au reste de la classe de terminer de copier la définition. Lorsque l'attention générale s'est détournée de Karine, je peux m'approcher d'elle. Elle me regarde avec une grande dureté, je lui souris et lui dis:

 - On va plutôt dire que tu as été une surprise? Une belle surprise?

 
A la manière dont ses prunelles continuent de me transpercer, je comprends qu'il n'en est rien.

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18 avril 2008 5 18 /04 /avril /2008 10:16

Yves et Marie-Laurence forment un couple épanoui. Ils sont heureux, ils sont cultivés, ils sont spirituels.

Ces deux âmes égarées se sont trouvées un peu par hasard, un peu comme tout le monde. Elles ne se sont plus jamais quittées, et le mariage vint naturellement sceller leur amour.

Pourtant, une fêlure fragilisait ce bonheur admirable. Ils connaissaient la douleur de voir se construire un avenir chaque jour un peu plus éloigné des rêves caressés : l’union demeurait inféconde.

Ne pas enfanter. Ne pas se projeter. Ne pas exister autrement que dans l’instant, enfermé dans un segment temporel qui ne serait relié à rien.

 

Des années durant, ils s’attelèrent à la tâche reproductrice sans perdre espoir ni ardeur. Leur persévérante copulation finit, après de bien longs efforts, par porter ses fruits.  Marie-Laurence eut enfin la joie d’attendre le bébé tant désiré.

La petite fille qui vint au monde était l’enfant du miracle. Elle fut choyée, admirée, observée avec ravissement. Les parents étaient aussi émerveillés qu’incrédules devant cet être délicat qui leur appartenait un peu.

 

 

Un jour, Marie-Laurence et moi discutions au téléphone. Elle évoquait une fois de plus sa fille, revenait sur les doutes qui l’avaient assaillie avant de tomber enceinte et s’ouvrit à moi en abandonnant toute retenue : « Ah, on voulait un enfant, mais on n’imaginait  pas que ce serait une enfant comme ça ! On a attendu, oh oui on a attendu, mais ça valait le coup ! »

J’écoute la fierté dans sa voix, je l’entends se rengorger pour digérer sa bonne fortune :

-         Ah, Irène ! Irène, c’est quelque chose !  Quelle enfant intelligente ! C’est clair qu’elle a du hériter de notre double QI ! Quand on a des parents très intelligents, les QI ne s’additionnent pas, non : c’est exponentiel. Ce qui fait qu’Irène est encore beaucoup plus intelligente que nous.


C’est dire.

 

 Marie-Laurence ne s’arrêta pas là. Elle s’extasie, elle se mire, elle se montre. Le jour de la naissance d’Irène, la Fée Intelligence ne vint pas seule. Elle était accompagnée de son amie Beauté, laquelle ne voulut pas faire un cadeau moins prestigieux que celui de sa consoeur. C’est ainsi que la jeune Irène, non contente d’avoir des capacités intellectuelles abyssales, était vouée à devenir l’icône absolue de la magnificence féminine.

Le regard maternel est plein de magie.

 

La petite Irène était de fait ravissante. Blonde, le regard bleu, elle avait hérité des traits parentaux, que la fraîcheur enfantine sauvait fortuitement de l’ingratitude. Yves et sa tendre moitié se pâmaient devant si sublime perfection. L’idée que la seule existence de la fillette suffise à la parer de tous les charmes aux yeux de ses géniteurs ne les effleurait même pas. Ils avaient assez de recul pour être objectifs. Evidemment. Béats, ils regardaient Irène interagir avec le monde comme si, entre tous, elle était la première à connaître pareille évolution.

Marie-Laurence développait, inlassable : « Cela m’inquiète beaucoup tout de même. Il y a des choses que l’on pardonne à quelqu’un qui est moche. Quelqu’un qui est moche et qui est intelligent, bon, on veut bien être son ami. Mais j’ai peur qu’Irène soit malheureuse avec un physique pareil. Sans oublier qu’il y a aussi le risque qu’elle devienne imbuvable, d’avoir autant suscité l’admiration. Alors nous, on essaie de compenser en ne la mettant pas sur un piédestal, pour qu’elle ne soit pas détestable non plus ».

 

Marie-Laurence voulait apprendre à Irène comment éviter les ornières de la vanité. Noble objectif.

 

Qui sait ? Peut-être que la petite aura aussi hérité de la modestie de sa mère.

 

 

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8 avril 2008 2 08 /04 /avril /2008 21:09

Jeannine est une dame digne et fière, elle vit toute seule, se tient droite et affiche le plus beau vernis de respectabilité qui soit. C’est vrai qu’elle n’a pas eu une vie facile.

Jeannine est une amie de ma mère. Elles habitent à quelques kilomètres à peine l’une de l’autre mais ne prennent jamais le temps de se voir, préférant la confortable distance que leur offrent leurs interminables conversations téléphoniques dominicales.

 

Quand elle raconte son existence ponctuée des pires malheurs, nous ne pouvons que compatir avec elle. Une vie comme dans les romans : une enfance malheureuse, des parents alcooliques, violents, peu présents, une absence totale de la tendresse qui fait grandir avec l’équilibre nécessaire. Le départ du foyer familial à l’âge de quatorze ans, le travail pour survivre, l’adolescence plus brisée encore que les premières années. Jeannine racontait tout ça, avec résignation, presque avec gloire.

Elle aurait pu tenir sa revanche lorsque, adulte, elle rencontra celui qui allait devenir son mari. L’ombre du bonheur se laissait enfin apercevoir. Les jeunes épousés eurent bientôt un fils, un beau garçon qui grandit et vint apporter joie et fraîcheur au couple. Mais dans la vie comme dans les romans, le bonheur dure rarement. Jeannine dut vivre une nouvelle tragédie, d’une banalité aussi minable que les précédentes : elle surprit son mari dans la cuisine, en train de farfouiller sous les jupes d’une cousine, invitée ce soir-là à dîner. La liaison durait depuis des semaines, des mois peut-être. Jeannine, trahie, l’honneur bafoué, fit face avec toute l’élégance dont elle était capable.

Mais l’époux volage entreprit d’achever la femme dont il ne voulait plus. Il partit un beau matin après avoir vidé les comptes en banque, ne laissant rien à son ancienne famille que leurs larmes amères. Point de sens des responsabilités : il ne se retourna pas sur son fils, oublié à une jeune mère effondrée et sans moyens de subsistance.

Jeannine affronta l’adversité, trouva un travail fatigant, mal payé et peu gratifiant pour élever son innocente progéniture. Commença une existence solitaire et toute entière tournée vers le garçon qui grandissait. Il n’y avait pas assez à manger ? Jeannine jeûnait pour nourrir le petit. Elle raconte souvent comme elle divisait en trois le bol de café qui lui servait de repas journalier, pour en faire un ersatz de petit-déjeuner, déjeuner et dîner. Cela lui permettait de garder ses maigres sous pour acheter un morceau de viande à l’enfant chéri.

Et semaine après semaine, année après année,  le petit Gérard grandit. Jeannine se raccrochait à son fils pour combler le vide laissé parle mari volage, pour compenser les jeunes années éprouvantes, pour oublier l’absence d’affection de ses pochtrons de parents. Jeannine aimait croire qu’elle était heureuse, un drôle de bonheur nourri du sentiment de sacrifice et de dévotion qu’elle associait au rôle de mère célibataire.

Gérard devint adulte, il se maria, eut un enfant. Une vie bien remplie qui laisse peu de place pour la vieille maman solitaire. Bien sûr, il venait la voir mais espaçait de plus en plus ses visites. Et puis sa femme, là, elle n’était pas bien aimable. Elle arborait toujours un air pincé face à sa belle-mère, laquelle se pliait en quatre pour être agréable à la jeune pimbêche. Elle était toujours prête à l’aider, lui dispensait de judicieux conseils pour bien élever le bébé. A croire que cela ne lui faisait pas plaisir, que la belle-mère expérimentée lui livre un peu de sa riche expérience. Il fallait pourtant voir comment elle s’y prenait : quelle maladresse, quelle inconscience ! Et même pas reconnaissante qu’on lui montre comment faire.

Gérard ne disait rien, mais venait moins. Téléphonait moins. Semblait sur la défensive. C’était la faute de la vilaine, c’est elle qui avait changé son fiston. Il finit par ne plus du tout donner de nouvelles. Quelle tristesse, après tant de journées difficiles et toutes ces nuits seule à préserver la chasteté qui sied aux mères respectables, finir abandonnée du seul être pour lequel elle avait renoncé à tout.

 

Elle avait pourtant veillé à lui donner une bonne éducation. Jeannine raconte souvent à ma mère ses souvenirs, le temps où elle était jeune, le temps où Gérard était petit. Elle ne se lasse pas de visiter sa mémoire et d’en faire profiter les autres.

Quand Gérard avait huit ans, il avait eu un poisson rouge. Il l’avait désiré, rêvé, il avait supplié la mère inflexible pour qu’elle accepte de lui offrir un animal et  c’est ainsi que, après une note scolaire brillante, ils étaient allés chercher l’ami à écailles. Il était rentré tout fier, le sac en plastique où nageait un minuscule être orangeâtre dans une main et le bocal transparent dans  l’autre. Il fallait voir comme il aimait l’observer, lui parler ! 

Au début, il changeait l’eau aussi souvent que cela lui avait été recommandé par le vendeur. Et puis il fallut le lui répéter un peu plus souvent, un peu plus fermement. Finalement Jeannine fut obligée de le faire à sa place. Elle pestait à chaque fois. Gérard avait pourtant promis qu’il prendrait ses responsabilités et serait seul à veiller sur Nestor le poisson.

Et puis il y eut ce jour, ce jour où elle était un peu plus en colère que d’habitude, ce jour où elle pensa que Gérard avait besoin d’une bonne leçon, de celles qui font réfléchir, de celles qui montrent qu’en face, on ne plaisante pas. De celles qui montrent que lorsque l’on prend des engagements, il faut les tenir. Alors que Jeannine nettoyait une énième fois le bocal en vociférant, elle regarda les toilettes avec une inquiétante fixité, puis observa Nestor qui nageait innocemment dans le lavabo. Puis de nouveau les toilettes. Avec une rapidité toute impulsive, elle se saisit de la bête et la jeta dedans. Nestor, surpris, frétilla deux fois plus vite puis se mit à explorer le nouvel et étroit environnement qui lui était offert.  Pour peu de temps, hélas ! Jeannine s’empressa de tirer la chasse et Nestor disparut, englouti par l’impitoyable châtiment de la mère parfaite.

 

Jeannine ne raconte ni les pleurs ni la détresse de Gérard qui, au retour de l’école, découvrit le sort réservé à son pauvre poisson rouge. Elle ne retire de l’anecdote qu’une illustration de ses qualités éducatives : autorité, droiture, enseignement de la vie. Qualités auxquelles s’ajoute, cela va de soi, son exemplaire abnégation.

 

 

Non, décidément, ces gosses, tous des ingrats.

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2 avril 2008 3 02 /04 /avril /2008 00:54

A la fac, Lydie était aussi transparente qu'un film alimentaire. Discrète, elle ne se faisait jamais remarquer. Elle aurait pu rester engluée dans la masse anonyme, mais l'autoritaire directive d'un prof mal luné nous imposa de travailler ensemble sur un exposé, lui attribuant ainsi une place de choix dans mes souvenirs.

Je fis donc connaissance de Lydie. Elle était un peu insipide, un peu anachronique aussi, avec son look étrange, ses habits défraîchis et son comportement bizarre. Ensemble nous étudiâmes avec un sérieux exemplaire. Même le vendredi soir. Même le dimanche, une fois.

La veille de l'exposé, raison ultime de notre dissonante collaboration, nous nous retrouvâmes une dernière fois pour revoir l'ensemble du travail abattu et nous assurer que tout était comme nous le souhaitions. Nous voilà donc attablées devant un café, soulagées d'être venues à bout de notre tâche, à nous laisser au bavardage léger. Lydie voulait être professeur des écoles. Elle disait encore « instit' ».

« J'adore travailler avec les enfants ! C'est sûr, je veux être instit' ! » affirmait-elle. Et ses yeux s'illuminaient. On sentait qu'elle en rêvait. Enseigner. Transmettre. Je la regardai se perdre dans une déclamation pleine de fougue. L'enseignement va mal, les élèves ne savent plus écrire. Les lacunes sont énormes. Tout le monde le sait, tout le monde le dit. Elle devait donc, elle, contribuer à lutter contre ces insupportables fléaux. C'était plus qu'un devoir pour Lydie : c'était une mission. Pas de doute.
Lydie avait le feu sacré. J'étais admirative.

 

A la fin de son discours plein d‘emphase, Lydie poussa un grand cri : « Mince ! J'ai oublié d'écrire à ma banque ! ». C'était urgent, pourtant. Ni une, ni deux, la missive ne pouvant attendre, elle s'attela à la tâche. Elle sortit une feuille, un stylo, mâchouilla sa lèvre inférieure avec une moue songeuse pour faire venir l'inspiration, puis se mit à écrire.
« Madame, monsieur... » dit-elle pour encourager la course de sa plume sur le papier. J'allumai une cigarette et la fumai avec délectation tout en regardant paresseusement par la baie vitrée. De temps à autre, je regardais Lydie, toujours absorbée par la rédaction de son courrier.
- Dis-moi, Jo?

Je sursautai légèrement:
- Oui?

Elle me fixa intensément avant de me demander :
- Le montant d'un chèque... Montant...
- Oui ......?
- Montant, ça s'écrit avec un « t » ou avec un « d »?
 

Je la considérai avec stupeur. Puis, devant son insondable désarroi et la sincérité de son interrogation, je volai à son secours :
- Eh bien, dans la mesure où il n'est pas question d'Yves, je pense qu'il vaut mieux mettre un «t».

 

L’année suivante, elle fut reçue au concours et eut la joie d’enseigner à des élèves de cours préparatoire.

Lydie m'a probablement oubliée aujourd'hui. Si toutefois elle se souvient de cet épisode, il est à parier qu'elle se demande encore qui était ce mystérieux Yves, et ce qu'il avait bien pu venir faire dans la conversation.

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